Paris Photo 2022

Alors que le Paris Photo Art Fair vient de se dérouler au sein du Grand Palais éphémère du 10 au 13 Novembre 2022 nous avons décidé de mettre en avant une sélection non exhaustive d’artistes que nous aimons.

Viviane Sassen

À l’entrée du salon se trouve le travail d’une photographe que nous apprécions beaucoup et avec laquelle nous avons eu la chance de travailler sur divers projets : Viviane Sassen. La galerie Stevenson présente des œuvres extraites de son dernier livre Modern Alchemy réalisé en collaboration avec le philosophe italien Emanuele Coccia. Une rencontre qui a vu le jour lors de notre projet pour les champagnes Perrier-Jouët. Viviane Sassen continue son exploration son exploration des formes de la nature, de la métamorphose des choses et du rapport entre humain en non humain dans une forme de pluralisme qui allie différents médiums : photographie, peinture, collage.

Viviane Sassen - Modern Alchemy - Stevenson Gallery
Viviane Sassen - Modern Alchemy - Stevenson Gallery

Pieter Hugo

Dans cette même galerie, le photographe Sud-Africain Pieter Hugo présente la série de portraits publiée dans son livre Solus T.1 paru en novembre 2021. Fasciné par le look atypique de certain baby-sitters rencontrés avant que ceux-ci soient happés par l’industrie de la mode, Pieter s’interroge sur les codes de la mode et leurs évolutions. Dans ce travail, il photographie des jeunes découverts en casting sauvage et traduit en image leur vulnérabilité, leur fragilité et leur idéalisme. Une seule indication : « Simply present yourself ».

Pieter Hugo - Solus Vol.1 - Stevenson Gallery

David Goldblatt

Au détour d’un stand, c’est un autre photographe sud-africain qui a attiré notre attention : David Goldblatt, auteur de la série intitulée On the Mines, premièrement publié en 1973. Il commence sa carrière comme photographe de presse en 1948 et dénonce la politique d’apartheid mise en place par le gouvernement. À partir des années 60 son travail s’oriente vers la vie quotidienne des Sud-Africain, qu’ils soient blancs ou noirs.  

David a passé son enfance à Randfontein, une ville façonnée par une société, une culture et une économie tournées vers l’exploitation des mines d’or. Au milieu des années 60, elles commencent à péricliter. C’est à ce moment que commence son travail documentaire. L’ouvrage se découpe en trois volets : Le paysage minier, le travail dans les mines, des portraits de mineurs. Son approche est naturaliste, dans un noir et blanc contrasté et un flou de mouvement qui illustre la vie au cœur de la machine.

David Goldblatt - On the mine - Goodman Gallery
David Goldblatt - On the mine - Goodman Gallery

Alejandro Cartagena

Le photographe Alejandro Cartagena exposé par la galerie Patricia Conde propose, à travers sa série intitulée « Carpoolers », Un ensemble de visuels qui témoignent des changements des banlieues de Mexico, autant sur le plan environnemental que démographique et climatique. L’ampleur et la rapidité de l’extension que la ville a connu ont eu pour conséquence une défaillance les transports publics ne peuvent couvrir une telle étendue, obligeant les travailleurs à voyager à l’arrière des pick-up pour en rejoindre le centre. L’auteur soulève ici à la fois un véritable non-sens écologique en raison de la consommation de carburant que cette pratique engendre, mais une nécessitée dans une démarche de la préservation de la ville et du patrimoine.

Le photographe utilise un cadrage unique, vertical, aérien qui donne à la série un effet de répétition et marque une fréquence, met en avant la densité du trafic.

Alejandro Cartagena - carpoolers - Patricia Conde Gallery

Jacques Sonck

La galerie Fifty One d’Anvers expose le photographe Belge Jacques Sonck. Dans son œuvre Encounters il part à la recherche de rencontres inattendues, éphémères et soudaines de personnes à la personnalité excentrique et pénétrante. Le regard du photographe est bienveillant et cherche à mettre en valeur ses sujets qui surprennent par leurs attitudes, leurs postures, leurs comportements, leurs accoutrements. Ces 50 portraits en noir et blanc, sont réalisés dans la rue ou en studio, avec un cadrage fort qui donne tout le caractère de ses sujets.

Jacques Sonck s’inspire des portraits anthropologiques d’August Sander et a souvent été comparé à Diane Arbus par la nature de son sujet.

Jacques Sonck - Encounters - Fifty One Gallery

Harry Gruyaert

Un autre photographe Belge, membre de la prestigieuse agence Magnum, avec lequel nous avons eu la chance de travailler il y a presque 10 ans : Harry Gruyaert. Petit, sa vision du monde est monochrome, plate. Lors d’un voyage à New-York à la fin des années 60 il découvre le Pop Art et la force de la couleur. Il comprend que la lumière et la couleur peuvent transformer une scène quotidienne en un moment magique. Son inspiration se développe à l’occasion des nombreux voyages qu’il effectue au Maroc, aux Etats-Unis, en Russie, au Japon sans oublier la Belgique. Il photographie des scènes du quotidien, des paysages, travaille sur les réflexions, les transparences, les lumières, les contrastes, la saturation des couleurs. Son œuvre s’alimente d’une obsession instinctive pour les couleurs au même titre que William Eggleston, Saul Leiter ou Joel Meyyerowitz. La pellicule Kodachrome (arrêtée en 2009) est sa meilleure alliée pour l’accompagner dans sa quête chromatique.

Harry Gruyaert dit de la couleur :

“La couleur est plus physique que le noir et blanc, plus intellectuel et abstrait. Devant une photo en noir et blanc, on a davantage envie de comprendre ce qui se passe entre les personnages. Avec la couleur on doit être immédiatement affecté par les différents tons qui expriment une situation.”

“Je me sens beaucoup plus proche d’une démarche photographique américaine que de la photographie humaniste française. (…) Faire une photo, c’est à la fois chercher un contact et le refuser.”

Harry Gruyaert - Magnum
Harry Gruyaert - EGYPT, Red Sea, Hurghada, 1988 - Magnum

Marguerite Bornhauser

La galerie Carlos Carvalho présente la jeune photographe Marguerite Bornhauser. Son œuvre photographique se concentre sur les détails du monde qui l’entoure, des fragments de sa vie quotidienne, des visages, des lieux. La couleur est une facette importante de son travail mais sa démarche artistique puise son essence dans la façon dont elle perçoit les choses et sa manière de les exprimer en image. Marguerite utilise une intensité colorimétrique forte et un contraste marqué dans des cadrages serrés au plus proche de ses sujets.

Simon Baker, directeur de la MEP, écrit :

“The overall effect of Bornhauser’s practice, however, is to remind us of the way in which color can echo, not only from one image to another, but from one place, or one moment in time, to another. Color as subject-matter, or rather, color as a means of producing photographic representations of the real world, becomes a kind of psychological projection into or onto the everyday. In a sense this is why Bornhauser has so much in common with writers like Hammett or painters like Henri Matisse, each of whom were sensitive to color in their own unique and personal way. More in common with pictorial or linguistic abstractions derived or drawn from color, than with other photographers for whom color is simply a technical issue to be resolved and exploited.”

Marguerite Bornhauser - Carlos Carvalho Gallery
Marguerite Bornhauser - Carlos Carvalho Gallery

Zanele Muholi

Zanele Muholi est un.e photographe sud-africaine non-binaire qui se définit comme activiste visuelle. En 2004, après avoir passé deux ans au Market Photo Workshop fondé par David Goldblatt, iel construit sa démarche photographique autour de son engagement envers la communauté LGBTQIA+ qui continue d’être la cible de persécutions. Dans son premier ouvrage Faces and Phases elle réalise une série de 300 portraits de femmes suivant une méthodologie identique pour chacun d’entre eux : en buste, de face, de trois quarts, tous à égale distance de l’objectif, en noir et blanc, sans artifice.

 

Le travail présenté par la galerie Yancey Richardson est issu de la série Somnyama Ngonyama (« Salut à toi, lionne noire » en Zoulou). Dans cette série d’autoportraits Z.Muholi se met en scène et utilise des costumes, des accessoires et des coiffures, de manière à se jouer des stéréotype liés à la féminité africaine. Il en résulte une série de 96 images de l’artiste en noir et blanc constituant un manifeste de résistance contre l’injustice et l’homophobie.

Zanele Muhoie - Yancey Richardson Gallery
Zanele Muhoie - Yancey Richardson Gallery

Jamel Shabazz

Jamel Shabazz, a grandi à Brooklyn avec un père photographe qui a su lui transmettre sa passion. Petit, il est fasciné par le livre Black in White America de Leonorad Freed. À partir de l’âge de 15 ans il ne se sépare plus de son appareil photo. Dans les années 80, au retour de son service militaire effectué en Allemagne, New York a changé. La culture Hip Hop s’est développée parallèlement à une érosion de la société et une augmentation de la criminalité dans une Amérique en pleine stagnation industrielle.

Shabazz utilise la photographie pour témoigner de la vie quotidienne de ses compatriotes en intégrant respect, honnêteté et sens artistique dans ses clichés. Il utilise le 28mm pour apporter un dynamisme à certaines scènes et le 50mm pour les portraits. Sa connaissance des codes du quartier lui permettent une très forte proximité avec ses sujets qui lui accordent toute leur confiance, son désir étant “d’honorer et d’élever les jeunes de sa communauté”.

Une autre partie de son travail, met en lumière une réalité plus sombre en témoignant des ravages de l’épidémie de crack qui a touché New-York dans les années 80 à travers des images réalisées dans la prison de Riker’s Island.

Il poursuit aujourd’hui un travail documentaire photographique engagé dans les années 1980 en ouvrant la focale sur d’autres cultures telles que les Native Américain, la communauté gay, les anciens combattants, etc.

“Quand j’ai commencé ce voyage photographique, j’ai concentré mon objectif principalement sur ma communauté. Au fur et à mesure que les années avançaient et que j’ai commencé à voyager, je me suis concentré sur le développement d’un travail plus large et plus définitif. Dans la plupart des cas, mon approche personnelle était l’engagement, ce qui signifie que si je voyais quelqu’un que je voulais photographier, je prenais le temps de m’arrêter et d’expliquer mon intention et pourquoi je voulais le photographier. (D’où je viens, vous ne pouviez tout simplement pas prendre une photo d’une personne et la garder en mouvement, car les résultats pourraient être très négatifs.) J’ai trouvé qu’il valait mieux simplement engager une personne et gagner sa confiance en premier. C’était une pratique courante que j’ai suivie pendant de nombreuses années.” J.Shabazz

Il fait aujourd’hui parti des acteurs majeurs de la street photography New Yorkaise et a contribué à créer des liens entre les communautés à travers ses images.

Jamel Shabazz - Joy Riding, Flatbush, Brooklyn, 1980 - Bene Taschen Gallery
Jamel Shabazz - Fly Guy, Downtown, Brooklyn, 1983 - Bene Taschen Gallery

Seydou Keïta

Seydou Keïta est un photographe portraitiste malien né à Bamako en 1921. À l’âge de 14 ans, il apprend seul la photographie grâce à un appareil Kodak Brownie qui lui offre son oncle.

Dans son atelier installé sur une parcelle familiale de Bamako Coura, il se spécialise dans l’art du portrait en noir et blanc qu’il capture à la chambre.

Sa notoriété s’étend rapidement à tout le pays, et même au delà des frontières, il devient le photographe à la mode. 

« Quiconque n’a pas été pris en photo par Seydou Keïta n’a pas de photo »

La jeunesse issue de la haute société Malienne se presse dans son studio pour se faire tirer le portrait dans une mise en scène mettant en avant des styles vestimentaires, des attitudes, et des codes occidentaux. Il laisse à disposition dans un coin de son atelier des accessoires (montre, habits, radio, vespa, etc.) symbolisants la réussite social et permettant à ses sujets de se valoriser aux yeux du monde.

Pour des raisons économiques il ne réalise qu’une seule prise de vue par séance, et ce, à la lumière du jour.

« La technique de la photo est simple, mais ce qui faisait la différence, c’est que je savais trouver pour chacun la bonne position, je ne me trompais jamais » S.Keïta

Son oeuvre ne dépassera les frontières Subsahariennes qu’en 1991 où le monde de l’art découvre ses clichés non crédités lors de l’exposition Africa Explores, 20th Century African Art de New York. Ce sont Jean Pigozzi et André Magnin qui mettront en lumière l’artiste avec l’aide de Malick Sidibé.

Seydou Keïta - Nathalie Obadia Gallery

Hiroshi Sugimoto

Hiroshi Sugimoto est un photographe et architecte japonais né en 1948 dont le travail photographique a commencé en 1976.

Ses travaux, quoique très variés, sont toutefois guidés par une basse sourde dans leur rapport au temps, au lieu et à la représentation :  utilisation de poses longues, représentations de formules mathématiques, de diaporamas recréants des scènes historiques hypothétiques.

Sugimoto est réputé pour son extrême maitrise de la technique photographique, l’utilisation de chambres très grand format (4×5 & 8×10) et la qualité de ses tirages d’exposition. Il ne travail que le noir et blanc dans ses travaux.

Dans la série Theatres commencée en 1978, il photographie de vieux cinémas américains avec un temps de pose égale à la durée du film. La réalisation de ces images demande une très grande maitrise de l’exposition et du temps de pose. Le projecteur est la seule source de lumière présente dans la salle. La superposition des images du film forme un écran blanc qui éclaire les abords de la scène par réflexion. Le résultat de ce travail est une série d’images aux caractéristiques semblables dans l’exécution (cadrage, exposition, conditions) et dans l’atmosphère qui en découle tout en étant uniques. Les détails architecturaux, l’ornement des écrans, les sièges et les rangées sont subtilement révélés par la lumière réfléchie. L’écran d’un blanc puissant et uniforme situé au centre de l’image contraste avec le reste de la scène plongée dans un éclairage tamisé.

 

Hiroshi Sugimoto - Theaters - Fraenkel Gallery

Leigh Johnson

Nous terminons notre sélection avec la jeune américaine Leigh Johnson présentée par la maison Chloé qui est à la fois photographe, vidéaste et poète.

Elle capture des moments, des détails, des émotions. Un après midi à la plage, un paysage, un visage, un instant suspendu. Une collection d’images sensibles, intimes, poétiques, dans une colorimétrie douce et peu contrastée. 

La raison pour laquelle je suis photographe a beaucoup à voir avec mon incapacité à accepter la perte. Je prends des photos pour ne pas avoir à dire au revoir à qui ou à quoi ce soit”.

Le titre de ses images sont des phrases aux dimensions énigmatiques qui nous plongent davantage dans la vie de l’artiste, dans ses interrogations, ses expériences :

What a showstopper that ad would read: tidal wave love, 24-hour smile, one ensuite bedroom and a child’s room

ou encore

It made the thought of growing old less frightening

Leigh Johnson - Chloe House
Leigh Johnson - Chloe House